17 Février 2018
À l'occasion de la 20e édition du Festival des Créations Télévisuelles de Luchon qui se tenait du 7 au 11 février dernier, une rencontre professionnelle avec le directeur de la fiction d'Arte proposait de s'intéresser à la ligne éditoriale et aux perspectives de la chaîne franco-allemande en matière de fiction française notamment. Olivier Wotling, à la tête de l'unité fiction depuis trois ans, a rappelé que la volonté d'Arte est de s'inscrire dans l'audace, la singularité et l’éclectisme, ne s'interdisant aucun genre.
Une politique de mini-séries
Si depuis une petite dizaine d'années, Arte se tourne davantage vers le genre sériel, Olivier Wotling précise toutefois que le public de sa chaîne n'est pas un grand consommateur de formats longs : « Nos téléspectateurs ne sont pas particulièrement sériephiles, ils ne sont pas fans de saisons et apprécient de changer d'univers régulièrement, ce qui nous a beaucoup orienté vers la mini-série. Ce concept permet de proposer des registres très différents tout au long de l'année ». Néanmoins, le fait de soumettre des fictions aussi diversifiées ne facilite pas l'installation d'un rendez-vous bien identifié pour les téléspectateurs, reconnaît Arte.
À la recherche de marques comme "Ainsi-soient-ils"
Si la case de jeudi soir dédiée aux séries accueille principalement des formats de 3x52min ou 6x52min, Olivier Wotling souligne cependant que pour affirmer une série sur une case, il ne faut pas fermer la porte à la récurrence et la saisonnalité. Mais depuis Borgen et Ainsi-soient-ils, deux exemples de séries « longues » (3 saisons) qui ont marqué les esprits, Arte n'a pas réussi à imposer de nouvelles marques fortes : « C'est vrai que depuis trois ans, on n'a sans doute pas trouvé le bon projet » reconnaît le directeur de la fiction de la chaîne.
Vers la fin des séries d'anticipation ?
Après s'être adonné à l'anticipation -genre très peu balayé par la fiction française- avec Trépalium, Transferts et bientôt Ad Vitam (une série avec Yvan Attal sur la quête d’immortalité), Arte devrait interrompre l'exploration de ce territoire : « L'anticipation n'est pas un filon que l'on entend installer. On aura eu trois séries sur ce créneau et on ne va pas spécialement continuer à en produire ». En cause, les scores d'audiences décevants de la série Transferts, récemment diffusée : « On se dit qu'on n'est pas dans le cœur de cible de notre public et c'est compliqué de faire venir un public occasionnel sur Arte pour de la série. Certes, on superforme sur la cible des 25-49 ans pour ce genre-là et l'on cherche bien sûr à capter ce public, mais sans perdre notre cœur de cible » relève Olivier Wotling. « On se dit aussi que si on n'a pas un budget conséquent, ça ne sert à rien d'aller sur une série d'anticipation car on va jouer au plus rusé et il y aura toujours un sentiment de faire cheap » poursuit-il. On préfère cet argument, car rappelons tout de même qu'Arte avait réalisé de très bons scores d'audience en proposant il y a quelques années Real Humans, une série d'anticipation scandinave dont la première saison avait rassemblé en moyenne 1,3 million de téléspectateurs et près d'1,3 million de vues en streaming.
Vers plus de comédie
Arte s'attelle à développer actuellement des projets de comédie, un genre sous représenté dans les propositions de fictions soumises à la chaîne : « C'est un registre un très peu exploité en fiction française à la télévision donc on souhaite s'en emparer » note Olivier Wotling.
Néanmoins, Arte ne cherche pas de la comédie « ultra pur », mais plutôt un fil humoristique assez fort qui puisse se conjuguer avec des enjeux dramatiques pour ainsi se prêter au format de 52min : « Il est vrai qu'on a fait du 26min, plus propice à la comédie, avec Au Service de la France (dont la saison 2 sera à l'antenne au printemps, ndlr), mais ça reste une exception ».
Dans l'immédiat, Arte continuera à surprendre ses téléspectateurs avec notamment J'ai deux amours, une comédie dramatique de 3x52min sur la bisexualité et les nouveaux schémas familiaux diffusée à partir du 22 mars. Suivra par la suite Flamant Rose, une série sur la transsexualité : « Il y aura certainement une partie du public qui ne sera pas très à l'aise avec ces personnages qui inquiètent ou qui dérangent. Mais le pari sera de parvenir à les comprendre et à s'y attacher. C'est un gros challenge car, contrairement aux séries anglo-saxonnes qui sont souvent dans un jeu de transgression et de frontalité pour coller aux attentes de leur public, c'est moins évident en France » conclut Olivier Wotling.